Au printemps 2020, on aurait pu craindre que la nouvelle mode de la distanciation sociale n’engendre celle de la distanciation citoyenne. Loin s’en faut… c’est tout une constellation d’initiatives propres à regonfler à bloc l’exercice de la démocratie permanente, que l’on a vu fleurir dans notre région. Vous n’y croyez pas ? Attendez qu’on vous raconte, vous serez bluffés !
« Y a plus de printemps M’sieurs Dames !… » Ah ça, c’est ce qu’on va voir, ou plutôt, ce qu’on n’avait pas vu venir ! Si mai 2020 nous a privé de « Printemps citoyen », il n’a pas confiné notre engagement, ni entamé notre détermination. Nous étions confinés, certes, mais nos « porte-voix », eux, étaient encore opérationnels et nous allions nous en servir ! Pour quoi faire ? Pour faire savoir ! Pour relayer, et amplifier les belles initiatives citoyennes qui se vivaient en région, pendant que nous luttions contre la propagation du COVID-19. Il suffisait donc d’allumer nos mégaphones pour donner à entendre la démocratie permanente en action.
C’est ainsi qu’est né le site YesWiki de la Riposte créative en Centre Val-de-Loire : une plateforme collaborative « anti-crise » pour « capitaliser et rendre visibles les initiatives citoyennes » en région ; mais aussi un espace de libre-expression prospective pour dessiner collectivement les scénarios responsables du monde d’Après. Ainsi, nous avons initié une carte interactive à enrichissement continu, recensant les initiatives solidaires repérées en déployées pendant la crise sanitaire et le confinement sur le territoire. De petites puces GPS sont venues la parsemer petit à petit, chacune étant reliée à une expérience précise de citoyenneté active maintenue ou développée, en dépit du confinement.
Si toutes méritent d’entrer dans la lumière, laissez-nous nous attarder sur quelques exemples emblématiques :
Ça riposte à Chartres (28) avec…
la croisade solidaire du mouvement « Jeunes in Mouv’ » au service des habitants isolés du quartier des Clos
Souvenons-nous de mars 2020 ! Pour les personnes les plus fragiles, le confinement avait vite transformé de banales courses quotidiennes en « expédition à haut risque ». Devant ce problème, le conseil citoyen du quartier des Clos, à Chartres, a riposté sans tarder.
Fort de ses liens avec le CCAS, il a fait germer l’idée de mobiliser une quinzaine de volontaires de la résidence pour jeunes actifs (RJA) Élisabeth de Thuringe pour des opérations de portage de courses, livraison de pain ou de médicaments. Il nous plait de « cafter » cette opération baptisée « Jeunes in Mouv’, en ce qu’elle constitue un modèle d’entraide et de solidarité intergénérationnelle.
Ça riposte à Tours (37) avec…
le collectif des jardinières masquées, pour la création de potagers urbains
« Aider à faire prendre conscience que la nourriture ne pousse pas dans les supermarchés », telles sont les bonnes graines que ces jardinières des villes ont choisi de semer à la volée, entre béton et bitume, à Tours. Petites sœurs des « Couturières masquées », (collectif d’urgence de fabricantes bénévoles de masques), les « Jardinières masquées » rêvent de rendre la ville plus comestible, en cultivant des dents creuses et des espaces laissés en friche dans la ville. Née à la faveur du premier confinement, l’initiative perdure et « gagne du terrain », chacun·e pouvant y contribuer à la mesure de son temps, de ses connaissances, du matériel, des graines et des plants dont il·elle dispose. Ici, c’est le principe du partage et du collectif qui prime sur l’exigence de rendement. Même si la première saison a déjà porté ses fruits légumes (radis, tomates, choux, blettes…), il s’agit surtout de contribuer, par le concret du végétal à croquer, à l’évolution des mentalités et à une prise de conscience générale.
Ça riposte à Montargis (45), à Rosnay (36), dans le Cher (18) avec…
la production d’urgence de masques !
Pas de la haute-couture, pas des tutos en mode DIY, mais de vrais masques en coton, fabriqués selon toutes les préconisations AFNOR en vigueur, par des petites mains bénévoles, un peu partout en région, pour protéger les plus fragiles, en attendant la livraison promise de masques chirurgicaux. Certains collectifs ont concentré leurs efforts pour livrer prioritairement les EHPAD, les foyers de vie, les cabinets d’infirmière ou les aides à domicile. Pour parer au plus pressé, et dans l’attente de la réouverture des magasins de tissu, on a d’abord « fait masque de toutes les chutes disponibles », glaner fils, biais, élastiques et draps, pour les transformer en masques. Un grand élan de collecte, de fabrication et de redistribution solidaire, qui s’est développé un peu partout en France, et notamment en région CVL.
Des masques et + encore… la genèse du collectif de Saint-Gautier
Là aussi, dans cette petite ville pleine de ressources à revaloriser, tout a commencé autour de la fabrication bénévole de masques, dans un atelier de fortune installé dans la salle des fêtes. D’anciennes ouvrières des ateliers de confection ont ainsi repris spontanément du service, dans un élan solidaire et joyeux. On cousait des masques, mais surtout, on retissait du lien ! Quand le déconfinement est arrivé, l’idée d’abandonner ce qui avait commencé à naître ici, est devenue inconcevable. Il fallait trouver les fertilisants pour faire grandir cette bonne graine. Les idées n’ont pas manqué, les actions non-plus. Opération « Musique au balcon » durant tout l’été 2020 pour jouer et chanter ensemble sur le pas de sa porte, stand Zéro déchets pour échanger sur les pratiques écologiques lors de la Fête des possibles en septembre 2020, prolongement des échanges durant tout l’automne, commando de ramassage des déchets sauvages en novembre (100kgs de déchets ramassés en 1h, par une quarantaine de familles ! Une vraie performance !), Noël zéro déchets… autant d’initiatives pour traduire le rêve d’un « vivre ensemble » dans la réalité du vécu d’une petite ville à redécouvrir. Aujourd’hui et plus jamais, les idées et les projets citoyens fourmillent, dans un grand élan d’intelligence collective. On évoque la confection de cendriers urbains, une présence systématique sur le marché du village à la rencontre des habitants, un état des lieux « en marchant » environnemental, historique et humain… Né sur le terrain, dans l’action, avant d’être esquissé sur le papier, le « collectif des Possibles » s’interroge sur son devenir, son évolution et sa pérennisation. A-t-il vocation et intérêt à se constituer en association ? Ne devrait-il pas matérialiser son existence dans un « vrai lieu » pour se rencontrer, échanger, débattre, faire circuler l’information, faire connaître les talents locaux… ? Peut-être même pourrait-il donner de l’envergure à son action par le recrutement d’un·e salarié·e dédié·e ?
Quoiqu’il en soit, nous avons hâte de voir s’épanouir cette belle pousse d’activation citoyenne, pur produit de la crise pandémique ! Et Marie-Yvonne a embarqué dans l’exploration pour révéler les Maisons citoyennes (nom provisoire) du CVL sans hésiter !
Terminons sur cette inspirante sagesse du moine bouddhiste Thich Nhat Hanh.
« Sans boue, pas de lotus (… ) De la boue naît la fleur de lotus. »
À méditer…