Cette expérimentation territoriale lancée par Villes au Carré en février 2022 est soutenue par l’ADEME, l’État – Politique de la ville, avec le concours de la Région Centre-Val de Loire et de la Banque des Territoires. Elle vise à renforcer le lien entre urgence sociale et impératif écologique dans les futurs contrats de ville, à partir de 2024 et dans les quartiers en renouvellement urbain. L’objectif est de travailler davantage la dimension sociale des inégalités environnementales pour inclure les quartiers dans les stratégies locales de transition.
4 territoires expérimentateurs en 2022
L’expérimentation a démarré en 2022 avec l’organisation d’ateliers collaboratifs dans quatre territoires volontaires : Tours Métropole, la Ville de Blois, Bourges Plus et l’Agglomération Montargoise et Rives du Loing. Ces territoires sont à la fois signataires d’un contrat de ville et engagés dans le programme LIFE_LETsGO4Climate animé par la Région Centre-Val de Loire.
Dans chaque territoire, élu·es, agents des collectivités, de l’État, partenaires associatifs, bailleurs sociaux et habitant·es ont été conviés à participer aux ateliers collaboratifs déployés par Villes au Carré dans le cadre de l’expérimentation.
Ces ateliers ont pour objectifs de :
📌 favoriser l’inter-connaissance entre les acteurs environnementaux et ceux de la politique de la ville pour encourager les coopérations,
📌 former les acteurs pour enclencher la transition environnementale et sociale dans les quartiers, dans un but de réduire les inégalités.
Les habitant·es des quartiers prioritaires sont faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Ils sont en revanche fortement impacté·es par les effets du dérèglement climatique. Aborder les transitions environnementales et sociales de manière conjointe au sein de la politique de la ville est donc essentiel pour réduire les inégalités sociales.
Entre septembre et novembre 2022, 3 ateliers se sont déroulés dans chacun des 4 territoires, réunissant en moyenne 15 à 25 participant·es.
Ce 1er atelier est centré sur la sensibilisation aux enjeux climatiques. Il vise l’acquisition d’un socle commun de connaissances. Lors cet atelier, les participant·es regroupé·es en équipes de 6 à 8 personnes, découvrent l’aspect systémique des dérèglements climatiques à travers la Fresque du Climat. Cet outil collaboratif s’appuie sur les données du Groupement d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC). Noël Martin, directeur de l’Association Montargoise d’Animation (AMA) voit tout l’intérêt de ce type d’atelier : “Le côté participatif est riche, on absorbe l’information dans l’échange. On prend conscience qu’il y a une nécessité d’adaptation.”
En 2e partie d’atelier, Villes au Carré s’appuie sur le kit “Inventons Nos Vies Bas Carbone” pour une découverte des enjeux liés à la réduction de l’empreinte carbone. Cet outil permet de donner un ordre de grandeur des changements à réaliser pour respecter les engagements de la France sur le climat, formalisés par l’accord de Paris. Les participant·es réfléchissent ensuite à des pistes de solutions, pour permettre l’atténuation du dérèglement climatique et l’adaptation à celui-ci au sein de leurs structures et / ou pour les habitant·es ou leurs adhérents.
Lors du 2e atelier proposé la même journée, les participant·es découvrent la fresque de la Renaissance Écologique, allégorie d’un monde bas carbone qui a réussi sa transition en intégrant les enjeux liés au climat, à la perte de biodiversité, à la raréfaction des ressources et aux inégalités sociales.
Les participant·es sont invité·es à inscrire sur la fresque les actions développées sur leur territoire en lien avec les transitions. Ceci permet de les partager avec l’ensemble des partenaires du territoires et de les valoriser. Simon Choplain, médiateur social et culturel de la Maison de Bégon à Blois souligne que “les ateliers permettent de développer l’imaginaire, de découvrir ce qui se fait et de voir tout ce qu’il y encore à développer”.
Ce travail a montré que les acteurs de la politique de la ville mènent déjà des actions en lien avec les transitions, dans les domaines de la sensibilisation, de l’économie circulaire, des jardins partagés et/ou de l’alimentation saine. Jean-Baptiste Berber, chargé de projet politique de la ville à Tours précise que “les ateliers ont permis un changement de focale sur les quartiers prioritaires en mettant en avant les points positifs et les actions innovantes.”
L’innovation est présente dans les 4 territoires. Les actions mises en place le sont en premier lieu, pour créer du lien social, favoriser l’insertion et / ou développer le pouvoir d’agir des habitants.
Les actions sur les mobilités (à l’exception du vélo et de la marche) et l’énergie sont majoritairement portées par les collectivités. Elles sont mises en œuvre à plus grande échelle que le quartier et ne sont pas toujours identifiées par les acteurs de la politique de la ville. Les actions liées à la biodiversité et à l’adaptation ne sont pas présentes partout et sont portées par différents acteurs selon les territoires.
Les échanges inter-acteurs apportent un regard positif sur les actions menées. Julie Voue, animatrice sociale famille, du centre social du Val d’Auron à Bourges insiste par ailleurs sur la plue-value des coopérations pour développer ces actions : “Nous avons tous des compétences spécifiques, nous le lien social, d’autres partenaires l’environnement. Il est important que l’on soit chacun dans son rôle et que l’on fasse des partenariats pour être plus forts.” Dylan Ganne, animateur développement durable de l’espace Quinière – Rosa Park à Blois, insiste sur l’importance de nourrir le collectif “Il faut avoir à l’esprit que l’on doit repenser nos sociétés. Et ces initiatives, elles nourrissent et c’est motivant. Elles nourrissent le collectif.”
Le 3e atelier proposé sur une demi-journée, s’appuie sur la Fresque de la Renaissance Écologique associée aux Objectifs du Développement Durable (ODD). Cet atelier met en avant la nécessité d’avoir une vision systémique pour aborder la transition et l’importance de développer des coopérations. Lors de cet atelier, les participant·es élaborent des scénarios prospectifs intégrant les enjeux de la transition environnementale et sociale qui nourriront le futur contrat de ville. Ils réfléchissent à la trajectoire à emprunter collectivement pour permettre aux quartiers prioritaires d’aller plus loin sur ces enjeux. La richesse des Quartiers prioritaires de la Ville (QPV) est mise en avant par Jean-Charles Désiré, urbaniste à l’Agence d’Urbanisme de l’agglomération de Tours (ATU) : “après ces 2 jours, je suis conforté dans l’idée que les QPV peuvent être des espaces de démonstration et qu’il est important de travailler des démarches transversales.”
... en synthèse
Il ressort des ateliers menés dans ces 4 territoires une convergence des besoins. Les différents scénarios s’accordent tous sur la nécessité de sensibiliser, pour expliciter les enjeux de la transition environnementale. Des actions de sensibilisation sont déjà conduites dans les quartiers prioritaires de la ville, que ce soit sur le domaine des déchets, de l’environnement, sur l’impact de la consommation et l’obsolescence, la réparabilité ou l’alimentation. Toutefois, pour enclencher la transition, cette sensibilisation doit être amplifiée et accompagnée. Il est aussi mis en avant un besoin de changer de mode de financement du contrat de ville pour favoriser des actions pluri-annuelles et une mobilisation plus importante du droit commun.
Le travail sur les scénarios montre un besoin de coopération comme l’explicite Sébastien Caubet, chargé de mission Climat Énergie au PETR Gâtinais Montargois “ La question est maintenant comment on s’organise, comment on maintient des temps d’échanges. Il est important de mettre en place une coordination pour permettre la coopération.” Christophe Schauer, adjoint au chef de service de la DDT 18 propose de s’inspirer d’organisations ayant déjà fait leurs preuves : “Sur l’égalité Femme/Homme, on a une dynamique inter-acteurs à l’échelle du département, avec des temps de rencontres. On pourrait faire de même sur les transitions.” Les projets, construits sur la base d’une coopération entre différents acteurs, pourraient bénéficier d’une plue-value financière dans les futurs contrats de ville.
Ce besoin de coopération, identifié dès les premiers ateliers, s’étend à l’élaboration de diagnostics partagés regroupant des habitants, des associations, les collectivités, les bailleurs, les aménageurs….
Ces diagnostics partagés, qui porteraient sur l’ensemble des sujets de la transition, permettraient ensuite d’élaborer des projets co-construits adaptés aux besoins des habitant·es.
Le développement de nouveaux récits positifs de la transition, valorisant un changement de société est également nécessaire comme l’exprime Sylvaine Borel, élue de la ville de Blois “ Il y a un intérêt à la mise en réseau et au récit positif”.
Les participants souhaitent voir l’émergence de lieux d’expérimentation, pour re-territorialiser l’activité au cœur des quartiers (tiers lieux, coopérative d’activité et d’emploi artisanal,…) et pouvoir tester différentes activités (production alimentaires ou artisanales…). Ces lieux devraient être aussi des lieux culturels et de convivialité. Certaines de ces activités devraient bénéficier du soutien de la collectivité dans la durée car leur pérennité économique est difficile mais leur impact social important.
D’autres préconisations, issues des ateliers, portent sur la mobilisation du droit commun et l’évolution de la réglementation : investissements dans des infrastructures (pistes cyclables, transport en commun, îlots de fraîcheur et continuité écologique, agriculture urbaine, redistribution alimentaire…) et des modifications des documents d’urbanisme pour permettre la transition (favoriser les activités de proximité).
Les participant·es des ateliers insistent également sur l’importance d’un portage politique fort de la transition environnementale et sociale.