L’interview de John Ryan
Réalisée par les étudiants et étudiantes du Cercle Digitale le 31 mars 2022
Il a le bĂ©nĂ©volat gĂ©nĂ©reux, gourmand et insatiable ! Son engagement de Porte-Voix, c’est un peu la cerise qui viendrait couronner un très gros gâteau Ă partager en autant de parts que de causes Ă dĂ©fendre ou de passions Ă assouvir. PrĂ©sident du cinĂ©-club de Vierzon, prĂ©sident d’un chĹ“ur a capella Ă la solide rĂ©putation (Microcosmos), bĂ©nĂ©vole aux Restos du cĹ“ur, membre actif d’une association qui Ĺ“uvre pour acheminer l’eau potable dans les villages du Cameroun, engagĂ© auprès de Palestine 18… la retraite de John Ryan a des allures de plein temps bĂ©nĂ©vole. La question qui nous taraude encore, après toutes celles que nous lui avons dĂ©jĂ posĂ©es, c’est : « Quand dors-tu, John ? »Â
Le déclic de mon engagement en tant que Porte-Voix
Tout a commencĂ© avec un article aperçu dans le journal local, qui lançait un appel Ă des volontaires pour s’inscrire dans une rĂ©flexion sur la dĂ©mocratie participative. Ça m’a immĂ©diatement interpellĂ© et j’ai contactĂ© les responsables. Mais il n’y avait plus de place, ils avaient dĂ©jĂ rempli toutes les cases. J’ai un peu insistĂ© en invoquant mes diverses casquettes associatives et j’ai finalement Ă©tĂ© acceptĂ©. J’avais envie de rencontrer d’autres acteurs locaux actifs sur le terrain, au niveau associatif ou mĂŞme culturel.
Mon carburant de Porte-Voix, c’est quoi ?
Pour moi, ce serait l’Ă©change de savoirs et le partage de connaissances lorsque l’on rencontre plein de gens qui font plein de choses sur le terrain. Parfois, on ignore tout et la dĂ©couverte est totale. Parfois, on se connaĂ®t dĂ©jĂ ou on est dĂ©jĂ au courant, mais c’est toujours bĂ©nĂ©fique de resserrer les liens et de faire grandir son rĂ©seau de contacts, surtout quand cela peut se faire Ă l’échelle de toute la France (ça peut toujours servir !). Cette dĂ©marche de partage est aussi fructueuse pour relancer certaines dĂ©marches en sommeil, dans un contexte oĂą les actions se rarĂ©fient.Â
Si je devais crier mon indignation dans mon porte-voix, je dirais quoi…
Je dirais que je suis indigné devant tout ce qui concerne les phobies : la phobie de l’Autre, la peur des gens de couleur, la peur de rencontrer des gens des quartiers défavorisés, la peur des pauvres, la peur des handicapés : la peur de tout ce qui est différent de nous.
Je me considère comme quelqu’un de « favorisé ». Je suis retraité, j’ai de la chance d’avoir une vie confortable. Comme moi, beaucoup de gens mènent des vies super-confortables, mais restent complètement enfermés par rapport aux autres, indifférents à celles et ceux qui sont dans le besoin. Il est essentiel de desserrer un petit peu cet étau qui nous emprisonne, de manière à aller à la rencontre des autres.
« Je suis indigné face à tout ce qui concerne la phobie des autres (…), la peur de tout ce qui est différent de nous. »
Je n’oublierai jamais…Â
… les festivals que nous avons organisĂ©s, durant deux annĂ©es consĂ©cutives, Ă Vierzon. La 1ère Ă©dition traitait de toutes les formes de racisme, au pluriel : contre les minoritĂ©s, contre les gens de couleur, contre les homosexuels, contre les femmes… tout ce qui touche au rejet de l’autre au motif de sa diffĂ©rence supposĂ©e. Pour la 2e Ă©dition, nous avions choisi de mettre la dĂ©mocratie participative Ă l’honneur, avec des experts, des universitaires, des films qui traitaient de ce sujet.Â
Je m’en souviendrai toujours comme de moments très forts, qui ont rĂ©clamĂ© un gros travail de prĂ©paration, beaucoup d’investissement et d’énergie. Mais nos efforts ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s par un public venu nombreux ! De quoi nous encourager Ă renouveler l’expĂ©rience, probablement Ă l’automne. Pour l’instant, nous cherchons encore le thème que nous aimerions mettre en avant cette fois-ci.Â
Je l’ai fait et j’en suis fier.e
Au risque de me rĂ©pĂ©ter, ce qui me rend fier aujourd’hui, c’est l’organisation de ces deux festivals, parce qu’on n’Ă©tait pas si nombreux que ça Ă y travailler. Et malgrĂ© la petite taille de notre Ă©quipe organisatrice, ce fut une vraie rĂ©ussite, Ă l’échelle de la ville, et mĂŞme Ă l’échelle rĂ©gionale. On a attirĂ© beaucoup de gens avec ces actions et je suis convaincu qu’elles ont Ă©tĂ© bien reçues et vĂ©cues par les Vierzonnais.
Je me sens vraiment utile lorsque…
… Je crĂ©e du lien. Par exemple, en ce moment, il y a pas mal de besoins au niveau des Restos du cĹ“ur, avec l’arrivĂ©e des Ukrainiens, qui sont totalement perdus, qui sont dans une situation dramatique et qu’il faut aider de toute urgence. Donc, lĂ , en ce moment, je me sens utile auprès d’eux, d’autant plus que je connais leur langue (je parle le russe). Lorsqu’ils s’adressent Ă moi, ils trouvent un Ă©cho, quelqu’un qui peut les comprendre. Je crois que c’est une chose très importante en ce moment.. Et puis en tant que britannique, je parle Ă©videmment l’anglais couramment, comme beaucoup de rĂ©fugiĂ©s.
Des rencontres spéciales ?
Toutes mes rencontres ont quelque-chose de « spĂ©cial » et je n’ai pas envie de sortir une personne du lot, en particulier. Beaucoup de personnes que j’ai rencontrĂ©es se valent en mĂ©rite et se complètent. Elles sont riches par leurs diffĂ©rences, leur personnalitĂ©, leur charisme.
Un regret ?
Peut-ĂŞtre celui de voir certains Ă©carts se creuser, entre les gĂ©nĂ©rations, notamment en lien avec les nouvelles technologies et le monde digital. J’ai 70 ans, et je suis perdu dans le vocabulaire des jeunes, ce qui n’aide pas toujours pour se comprendre. Quand ils parlent des « fablabs », des « coworkings » et de toutes sortes de choses. Je me sens un peu dĂ©passĂ©. C’est sans doute une question de gĂ©nĂ©ration…
Mon graal de Porte-Voix
Mon Graal de porte-voix, c’est de faire en sorte d’intĂ©grer un maximum de Français et Française, de toutes les origines, de toutes les religions, de toutes gĂ©nĂ©rations, de toutes les cultures, de manière Ă ce que la France soit vraiment une France multiculturelle, multilingue et unique. C’est cette France-lĂ , qui est clairement mon Graal.
« Faire de la France une France multiculturelle et multilingue, c’est mon graal ! »
Ma devise personnelle de Porte-VoixÂ
Premièrement : Parler pour tout dire.
Deuxièmement : La vie, c’est l’autre. Autant que moi.
Et la troisième, ce serait : J’Ă©coute et surtout, j’entends.