Publié le 25 mars 2022

Monsieur Petitpas

L’interview de Jean-Christophe Cicéron

« Je ferai tout pour rendre les gens debouts, libres et responsables »

Réalisé par Léa KNAUREK, le 2 Juin 2020

Père au foyer et agent territorial pour encadrer des élèves de primaire en quart-temps, Jean Christophe CICERON consacre le reste de son temps à la vie associative. À 51 ans et après 19 déménagements, il a l’opportunité de s’installer avec sa femme dans le Loiret, à Montargis. Il deviendra formellement Porte-Voix lors du premier confinement et se lance notamment dans l’expérimentation-action des maisons citoyennes en tant qu’explorateur. Père de trois filles, Jean-Christophe a également créé une entreprise autour du jeu de société, son loisir préféré. Bien que non lucrative, cette activité lui permet d’expérimenter l’animation et l’encadrement de groupe, des notions qui lui servent beaucoup en temps que facilitateur.

Le déclic de mon engagement en tant que Porte-Voix

JC : “Le déclic de mon engagement a été très long. C’est un concours de circonstances. Depuis mes 10 ans, je voulais être scout donc j’ai intégré le mouvement des Scouts et Guides de France vers mes 15 ans. Ce mouvement, c’est « jouer ensemble dans la nature », s’appuyer sur la notion d’équipe, et construire ensemble des projets. J’ai donc déjà eu cette culture tout jeune adulte. Puis, j’ai été cadre, j’ai été responsable de groupes à différents endroits géographiques. Donc la notion de Porte-Voix et d’être actif est intégrée chez moi depuis longtemps. L’opportunité de rejoindre le réseau régional des Porte-Voix – activateurs de citoyenneté a été la crise sanitaire et la Riposte créative territoriale. J’ai vu passer cette démarche sur les réseaux sociaux, je me suis inscrit à une rencontre et c’est là que j’ai rencontré Estelle, qui porte la démarche Démocratie Permanente pour la Région Centre-Val de Loire et Hélène, qui facilite le réseau des Porte-Voix. L’évidence s’est alors faite que j’étais un Porte-Voix sans en connaître l’étiquette. Il n’y a pas eu de déclic. J’ai continué ce que je faisais au sein des Porte-Voix, sans pour autant renoncer à tous mes autres engagements. En fait, j’ai une vraie schizophrénie associative mais l’essence de Porte-Voix est transcendante : elle n’a pas d’espace-temps particulier, je suis Porte-Voix en permanence.”

Mon carburant de Porte-Voix, c’est quoi ?

JC : “Je me définis comme un “solutionneux” : je n’ai jamais de problème, je n’ai que des solutions. Bien sûr, il y a les solutions, la bonne solution et la meilleure des solutions. Moi, ce qui me fait avancer c’est que l’on peut toujours faire un pas et qu’il ne faut jamais renoncer à faire un pas. Alors, des fois, j’arrive à y renoncer parce qu’il y a des collectifs où on essaie de mettre de l’énergie et où… ça veut pas [rires]. Donc, mon carburant c’est ne jamais renoncer à faire un pas du moment qu’il y a un temps soit peu d’écho, même si c’est deux ou trois personnes alors qu’on était 70 ou 80 au départ. C’est de toujours proposer un pas, même si c’est pas le meilleur, même s’il est boiteux, même s’il a pas tout à fait le cap, même si l’on peut me le reprocher et dire “C’était quoi cette idée bizarre ?”. Je pense qu’il faut des idées bizarres pour trouver des idées claires. Il faut des hésitations pour trouver l’évidence. Moi, j’aime bien la métaphore du feu : tant qu’il y a de la braise, tant qu’il a une flamme, il faut quelqu’un qui veille et je fais partie de ces veilleurs de feu de l’action citoyenne, quel que soit le domaine.”

« J’ai une vraie schizophrénie associative mais l’essence de Porte-Voix est transcendante : elle n’a pas d’espace-temps particulier, je suis Porte-Voix en permanence.”


Si je devais crier mon indignation dans mon porte-voix, je dirais quoi…

JC : “Je ne suis pas quelqu’un en colère donc je n’ai pas grand chose à crier. Je crois que les gens en colère sont des activistes et je ne me définis pas comme tel. Bien qu’insatisfait du monde dans lequel je vis, je ne le ferai pas évoluer en étant en colère. Lorsqu’on agit sous l’emprise de la colère, on n’écoute plus, on est juste radical sur ce qu’on a envie de faire et on souhaite imposer aux autres. Je reformulerais donc la question en remplaçant “crier” par “dire” tout simplement. Dans ce cas, mes paroles seraient : « Écoutons-nous pour vivre ensemble”. Ce qui m’anime, ce qui m’indigne c’est la radicalité, c’est le partisianisme, c’est le fait de dire “je sais pour vous ce dont vous avez besoin” sans écouter les personnes concernées. Ça, on le subit depuis l’école, seul lieu où la personne qui pose les questions connaît les réponses.”

Je n’oublierai jamais…

JC : “Pour le moment, le moment inoubliable fut en visioconférence parce que je suis entré dans les Porte-Voix lors de la crise sanitaire. C’est d’avoir participé au dernier numéro de l’Epourquoipatiste : c’était un vrai pas de côté, un vrai défi de verbalisation d’un idéal. Cependant, la visio ce n’est pas très “humain” alors j’espère que le véritable moment inoubliable est à venir et qu’il sera “en physique”. Par contre, si je devais choisir un moment de mon expérience informelle de Porte-Voix ce serait lorsque nous avons fait venir, sur un week-end, Tristan Rechid à la Salle des Fêtes de Montargis. Plus de 100 personnes sont venues s’intéresser à ce que peuvent faire les citoyens dans cette 5e République.”

« ce qui me fait avancer c’est que l’on peut toujours faire un pas et qu’il ne faut jamais renoncer à faire un pas. Je pense qu’il faut des idées bizarres pour trouver des idées claires. Il faut des hésitations pour trouver l’évidence. »

Je l’ai fait et j’en suis fier·e

JC : “Je dirais, à nouveau, la venue de Tristan Rechid. C’était en amont des élections municipales et, pour moi, c’était une telle évidence qu’on a monté ça en trois mois. J’ai dû le contacter en octobre et en janvier il était là. J’ai ressenti de la fierté d’avoir concrétisé quelque chose malgré les doutes d’autres, malgré le scepticisme d’un certain nombre d’adhérents de l’association Engagement Citoyens du Montargois (ECM). Si on revient maintenant aux Porte-Voix, durant cette crise sanitaire, je n’ai pas vraiment de réponse… Je serais peut-être fier un jour d’avoir relevé le défi de l’intuition des maisons citoyennes à l’échelle du PETR Gâtinais montargois. Et encore ! Il n’y a rien de glorieux, c’est surtout des concours d’opportunités. Je suis quelqu’un qui regarde assez peu le passé, qui vit vraiment le présent. Je n’ai pas de Panthéonpersonnel.”


Je me sens vraiment utile quand…

JC : “Je me sens utile toutes les minutes de ma vie parce que, quand je ne suis pas utile à d’autres, je suis utile à moi (par exemple en faisant de la méditation). Lors d’une réunion d’un collectif, je ne me contrains même pas, je me suis auto-éduqué et auto-formé, avec d’autres, à essayer de n’apporter que des choses utiles.”

Des rencontres spéciales ?

JC : “Les Porte-Voix ont généré de belles rencontres mais il n’y a pas de totemisation. Une réponse serait donc l’équipe toute entière : depuis que je suis aux Porte-Voix, ça n’a été que de belles rencontres avec des personnes remplies d’énergie et si diverses. Après, dans mon histoire, les rencontres spéciales ont été toutes les personnes qui ont participé au bien vivre ensemble. Je n’aurais toujours pas de personne à nommer.”

Un regret ?

JC : “J’ai un regret personnel : être incompétent en communication au sens commercial de la chose. Je suis un piètre commercial et mon regret c’est de ne pas réussir à mieux vendre mon idéal citoyen. Je suis donc obligé d’y aller par le “faire” et le “vivre” mais il faudrait que j’arrive à mieux le vendre du côté des élus. Cette incompétence dans la force de vente a notamment pêché le jour où j’ai rencontré des élus avec ma jeune entreprise avec pour projet de faire naître des ludothèques sur le territoire. Je sais que j’ai été un piètre commercial sur le sujet.”

Je suis quelqu’un qui regarde assez peu le passé, qui vit vraiment le présent. Je n’ai pas de Panthéon personnel.


Mon graal de Porte-Voix

JC : “Ma quête personnelle, c’est la première démocratie consensuelle. C’est une notion de gouvernance partagée, de confiance dans un groupe qui va donner le meilleur de lui-même pour l’ensemble des personnes concernées. Cette démocratie consensuelle serait gouvernée par des assemblées citoyennes (par exemple une sur le climat, une autre sur la sécurité sociale…). En fait, il faut qu’il y ait un nombre suffisant de personnes qui montent en compétences et qui se disent : “Pour nous tous, on pense que le chemin à vivre c’est celui-là et, si on se trompe, on ajustera”. Mon idéal de Porte-Voix est donc de faire comprendre à un maximum d’habitants qu’ils ont forcément quelque chose à dire de la façon dont ils vivent sur leur territoire.”

Ma devise personnelle de Porte-Voix

JC : “Ma devise est“Je ferai tout pour rendre les gens debouts, libres et responsables”. “Debout” signifie que l’on ne marche pas la tête baissée : on est, et on a le droit d’être fier de ce qu’on est, quelque soit qui on est. “Libre” parce qu’on doit pouvoir profiter de tout ce à quoi on aspire faire. Et “responsable” parce que, si cet espace de liberté induit des choses pour des tiers (et pour soi-même), il faut en être responsable. Je crois que toute ma vie est guidée par cette devise. J’y aspire pour toute personne qui vient côtoyer ma sphère personnelle, dans n’importe quel domaine.”

Je ferai tout pour rendre les gens debouts, libres et responsables
M. Petitpas

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