Un partage d’expérience avec la ville de Chartres et Chartres Métropole
Le 23 mars dernier les membres du Réseau régional Action Cœur de Ville s’étaient donné rendez-vous à Chartres, accueillis par les élus de la ville et de la Communauté d’agglomération en charge du programme Action cœur de ville et leurs équipes.
L’objectif : découvrir et partager la stratégie globale de réhabilitation de l’habitat privé et les dispositifs mis en place par la ville depuis ces dernières années. Une visite organisée par Villes au Carré dans le cadre de la mission d’animation du Réseau régional qui lui est confiée par la Préfecture de Région et le Conseil régional Centre-Val de Loire.
Au fil des discussions et du parcours dans la ville, nous avons pu découvrir les résultats obtenus par une équipe plus que motivée. Merci à la direction du programme Action cœur de ville et au Secrétariat pour les affaires régionales en Centre-Val de Loire d’avoir participé à cette visite.
Retour sur cette journée pleine d’enseignements …
État des lieux de l’habitat ancien à Chartres, problématiques et enjeux
C’est au Pôle Administratif mutualisé de la ville et de la communauté d’’agglomération que cette journée a débuté. Jean-François Plaze, Adjoint au maire en charge d’Action Coeur de Ville, Alain Contrepois, Conseiller municipal délégué à la Sécurité, à l’Hygiène et à la Salubrité des établissements recevant du public (ERP) et Maria Martin-Mélano, cheffe de projet Action Coeur de Ville – ORT ont ouvert cette journée par la présentation générale de l’état du logement en centre-ville chartrain. Un état des lieux autour de l’histoire de l’habitat médiéval du cœur de ville et de ses évolutions pour comprendre les différentes problématiques rencontrées aujourd’hui.
Le centre ville est en effet confronté à une dégradation du bâti qui concerne majoritairement les habitations à ossature bois. Cette dégradation s’explique par le déploiement de techniques d’imperméabilisation en enduit au mortier de ciment qui s’est opéré au cours du XIXe siècle.
Pourquoi un tel phénomène ? Au cours du XIXe siècle, les populations bourgeoises se sont largement mises à construire des habitations en briques ou en pierre dans le centre-ville. Les populations moins aisées, vivant dans des habitations à ossature bois, ont alors été tentées d’imiter les bâtiments en pierre.
Bien qu’elle soit superficielle, cette technique de recouvrement naît d’un désir de modernité de l’habitat. Or, au fil des décennies, l’imperméabilisation des façades a fragilisé des bâtiments : soulèvement des bois de structure, des bois porteurs réduit à des états de poudre … Des situations induisant plusieurs risques et conséquences : des risques sanitaires pour les occupants des logements et des riverains, un effet domino en cas d’effondrement d’immeuble, des rues durablement bloquées à la circulation, un impact sur la commercialité du coeur de ville et, à terme, sur le marché immobilier. Des freins puissants sur la politique de restructuration engagée en centre-ville de Chartres.
En plus de rechercher des réponses à cette problématique de dégradation de l’habitat ancien, la stratégie globale de réhabilitation vise également à faire revenir des habitants en centre-ville. Pour répondre à cet enjeu, Jean-François Plaze insiste sur la nécessité de proposer des logements plus grands et plus adaptés à l’accueil de jeunes actifs et de familles. Pour y parvenir, il faut limiter l’offre de studios et de T2 dans ce périmètre, des typologies de logement souvent privilégiées par les promoteurs immobiliers pour des raisons de rentabilité économique.
Une stratégie construite par la complémentarité des outils déployés
Pour répondre à ces différents enjeux en termes d’habitat en centre-ville, plusieurs outils sont mis en œuvre par la collectivité et forment la stratégie globale de réhabilitation. Une stratégie dont l’objectif est la remise en état de 210 logements dans le secteur intra-muros de la ville. Pour l’atteindre, la ville déploie une reconquête de l’habitat ancien et dégradé à travers une triple logique d’action, appuyée par le déploiement d’un panel d’outils complémentaires :
- des actions incitatives;
- des actions pédagogiques;
- des actions préventives-coercitives.
📌 Les actions incitatives :
Renouvellement de l’Opération Façades.
En parallèle au programme de rénovation des rues et des espaces publics, l’opération vise à inciter les propriétaires à participer à la valorisation du patrimoine bâti ancien. Cette aide permet aux propriétaires de bénéficier d’une aide financière de la Ville à hauteur de 30% du montant hors taxe de leurs travaux.
Des subventions accordées pour la rénovation énergétique dans le cadre de l’OPAH-RU.
Dans le cadre de ce dispositif de réhabilitation de l’habitat privé en centre-ville, des aides financières ont pu accompagner les propriétaires dans la réalisation de travaux dans l’habitat ancien. Ces habitations sont bien souvent sujettes à des performances énergétiques médiocres pouvant conduire à des dégradations importantes. Les subventions pour la rénovation énergétique permettent de pallier cette problématique. Elles représentent 33% du montant global des travaux.
📌 Des actions pédagogiques :
23 séances ETEHC réalisées entre 2021 et 2022.
À Chartres, un logement sur deux est en copropriété. Pour encourager les copropriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique, Chartres Métropole a lancé le programme expérimental ETEHC (Engager la transition énergétique pour l’habitat collectif privé). Mis en place et financé par l’ANAH, l’objectif est d’aider, préventivement et gratuitement tous les acteurs intervenant dans la gestion des copropriétés.
Mise en place d’ateliers et d’évènements d’informations dans le cadre de RECIF+ 2023. (Rénovation énergétique des copropriétés en France).
Également centré sur la question des copropriétés, le programme RECIF+ s’adresse aux collectivités territoriales pour mener des actions d’information sur la rénovation énergétique des copropriétés.
L’appel à manifestation d’intérêt RECIF+ aujourd’hui clôturé, pour y découvrir les différents axes traités.
La Campagne Zéro Logements Vacants, lancée en janvier 2023.
Dans le périmètre OPAH-RU de Chartres, un logement sur quatre est vacant (soit 124 logements appartenant à 108 propriétaires). ZLV (Zéro Logements Vacants) est un outil numérique mis en place pour les collectivités pour sensibiliser et suivre les dossiers des propriétaires de logements vacants de longue durée. Depuis janvier 2023, un guichet numérique est ouvert afin de centraliser les informations concernant les propriétaires des logements vacants. Les services de l’habitat des collectivités peuvent ainsi appeler le guichet pour obtenir des informations. L’idée est d’établir une stratégie conjointe de sortie de la vacance entre collectivités et propriétaires concernés.
Les “jeudis de la copro” et permanences individuelles pour accompagner les copropriétés fragiles : le POPAC.
Le programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés est un dispositif proposé par l’Anah afin de réduire la mise en œuvre de dispositifs d’intervention lourds. L’accompagnement dans le cadre du POPAC permet à la fois de résorber les dettes avant qu’elles ne deviennent trop conséquentes et intervient également sur la gouvernance de la copropriété pour faciliter la prise de décision.
À Chartres, les “jeudis de la copro” sont des soirées d’informations thématiques qui permettent de renforcer les connaissances des participants sur le fonctionnement et la gestion des copropriétés. En parallèle, les permanences individuelles sur rendez-vous permettent de répondre aux questions des copropriétaires et des syndics bénévoles.
Ces deux formats sont animés par l’APIC, missionné par Chartres Métropole.
Les jeudis de la copro – soirées thématiques
📌 Actions préventives-coercitives :
38 ORI lancées depuis février 2021.
L’Opération de Restauration Immobilière vise à une complète remise en état d’habitabilité du bâti. L’outil s’applique aux différents immeubles et ensembles d’immeubles d’habitation. En 2019, l’étude pré-opérationnelle OPAH-RU visait 10 immeubles et ensembles immobiliers (6 ORI, 4 RHI). A l’heure actuelle, l’avenant prévisionnel à la convention et au marché a doublé l’objectif, passant à 20 immeubles concernés (15 ORI, 5 RHI).
La mise en place du Permis de Diviser en juin 2023.
L’outil est mis en place pour intervenir sur la typologie des logements mis sur le marché. Le permis de diviser permet de limiter la production de petits logements dans le périmètre chartrain de l’ORT, notamment en pouvant refuser des projets.
Lancement du Permis de Louer en septembre 2022.
Il permet de constater des situations d’insalubrité, de fragilisations structurelles des bâtiments. L’outil devient alors un motif légitime pour visiter le logement et ainsi anticiper des situations et événements à risque, notamment sur des questions de santé publique comme en témoigne la présence de plomb dans certains logements. De cette façon, le permis de louer permet à la collectivité de disposer d’une meilleure connaissance du parc locatif privé.
Depuis son démarrage, plus de 300 demandes ont été effectuées
📌 Des outils et des moyens au service d’une stratégie volontariste :
Peu à peu la Ville et sa Communauté se sont dotées d’une véritable force de frappe avec la constitution d’une équipe de huit personnes travaillant sur l’habitat. Un haut niveau d’ingénierie est nécessaire pour mettre en place et activer l’ensemble des dispositifs, indique Jean-François Plaze, qui souligne ainsi la priorité donnée à cet axe de travail par les deux collectivités. L’application des outils et dispositifs est partagée de manière transversale afin de tenir compte de la complexité de chacune des opérations.
La mise en place de cette stratégie bénéficie aussi de l’appui de plusieurs partenaires : Action Logement pour la réhabilitation d’immeubles en centre-ville, SOLIHA dans le montage financier des opérations, la Banque des territoires dans le domaine de l’ingénierie.
L’occasion d’illustrer quelques résultats au cours de la visite, à commencer par la réhabilitation de l’immeuble du 2-4 place Marceau (photo de gauche). Opération qui témoigne de la réussite de la stratégie d’amélioration de l’habitat ancien de la ville, elle synthétise à elle seule les différents leviers de la reconquête du centre ancien : le revalorisation patrimoniale d’un édifice du XVIIe siècle, la création de logements familiaux avec des surfaces adaptées aux demandes et la remise en valeur d’un commerce en rez-de-chaussée d’environ 240m². Aujourd’hui, l’immeuble est constitué de 6 logements, 7 grandes caves et un local commercial.
Également, le 36 rue du Soleil d’Or (photo de droite) est un exemple phare du dispositif “Opération Façades”. L’immeuble met en avant le travail minutieux de la Ville et de l’architecte des Bâtiments de France dans la valorisation du bâti ancien du centre-ville.
Un détour par les projets emblématiques du programme Action coeur ville
La déambulation dans le centre-ville a permis à l’ensemble des participant·es de re(découvrir) les projets emblématiques du programme Action cœur de ville à Chartres.Premier arrêt au Beauty Hub, implanté sur le site de la future Maison Internationale de la Cosmétique. L’équipe nous a ouvert les portes d’un lieu complètement dédié à l’innovation dans la parfumerie-cosmétique. D’un espace d’accompagnement des startups et de co-working jusqu’au laboratoire de prototypage, la présentation a permis de mettre le groupe au cœur du processus de conception et de réalisation des structures accompagnées.
Cap ensuite à l’ouest du centre pour y découvrir le boulevard culturel de la ville ! Depuis 2021, l’ancien cinéma ABC s’est transformé pour devenir le OFF. Lieu ouvert de partage, de spectacles, de rencontres et de détente, le OFF abrite trois salles fonctionnant simultanément et pouvant accueillir plus de 400 spectateurs. L’immeuble est aujourd’hui à la fois un lieu structurant pour les acteurs culturels de la ville et les habitant.·es et un lieu complémentaire du théâtre de Chartres.
La visite a pris fin place des Epars, devant la Galerie de France. Ouverte depuis le 10 décembre 2022 avec l’implantation du magasin Go Sport qui est une véritable locomotive commerciale.. Une réhabilitation de 1 600m² de surface commerciale dans le centre-ville.
Zoom sur l’ORI et le permis de louer
Maria Martin-Melano, Rémi Trocmé, responsable Habitat et Solidarités, Jehanne Amiot, chargée d’opération habitat ancien, et Hasan Geles, chargé d’opération habitat ancien, ont détaillé les deux dispositifsen place. Allons y voir de plus près.
- L’ORI : Comment se déroule la procédure ?
- Après l’envoi d’un courrier d’information, une concertation est lancée.
- Une enquête publique est ensuite réalisée préalablement à la DUP puis l’arrêté préfectoral déclarant les travaux d’utilité publique. Cette enquête est organisée par le préfet. Elle consiste à réaliser un plan où figure l’ensemble des immeubles désignés par la procédure. Pour chacun des immeubles, une notice fait figurer le programme global des travaux, avec une estimation sommaire.
- A la demande de la collectivité, le préfet ouvre l’enquête parcellaire. Les propriétaires sont identifiés et reçoivent une notification individuelle des travaux et délais d’exécution. A la suite de cette étape d’identification, un temps de réponse est prévu où les propriétaires mentionnent vouloir s’engager à réaliser les travaux en question, refuser ou ne pas répondre.
- Le permis de louer : Ça fonctionne comment ?
- Dans un premier temps, une demande d’autorisation préalable de mise en location de logement doit être déposée. Le document doit contenir le constat de risque d’exposition au plomb pour les logements construits avant 1949, une mention de présence ou absence d’amiante, un état de l’installation intérieur d’électricité et de gaz, le diagnostic de performance énergétique et le certificat de mesurage.
- Ensuite, une visite de contrôle est organisée pour évaluer l’état du logement. Cette évaluation se fait à l’aide d’une grille de critères normés portant sur la sécurité et la salubrité du logement.
- Enfin, la décision par arrêté municipal. A partir de la visite de contrôle, une notification est envoyée au propriétaire, au plus tard un mois après réception du dossier. En cas de travaux à réaliser, le·la propriétaire devra déposer une nouvelle demande.
Information et mobilisation au coeur du déploiement des outils
Tout au long des présentations et échanges, l’accent a été mis sur la nécessité d’informer et de mobiliser l’ensemble des propriétaires et des acteurs concernés par l’habitat (habitant.es de la ville, agences immobilières) sur les enjeux de la réhabilitation du centre-ville. La mise en place d’espaces d’échanges communs pour y croiser dialogues, questionnements, réflexions et objectifs est alors nécessaire.
il s’agit d’amener les propriétaires à réfléchir aux problématiques. La plupart du temps, les propriétaires occupants sont ouverts à ces processus de changement mais c’est plus difficile dans le cas des propriétaires bailleurs, notamment pour les travaux structurels.
Jean-François Plaze
Ainsi, chacun des outils déployés s’accompagne de temps d’information. Des temps rendus possible par la proximité géographique des propriétaires (majoritairement situés à Chartres, et ou dans le département d’Eure-et-Loir, voire en région francilienne). Ils sont également dédiés aux différents acteurs du logement impliqués sur le territoire, outre les agences immobilières. Cette diversité d’acteurs impliqués met en avant la position centrale accordée à la question du logement par la collectivité. Un sujet central qui a conduit à une demande de modification simplifiée du PLU afin d’y intégrer les préconisations sur les tailles moyennes des logements.
La publication d’articles dans le magazine local de la ville, Chartres Votre Ville et la diffusion et transmission d’expériences comme cette journée de rencontre régionale, contribue à l’objectif premier de toujours mieux informer.
Et pour compléter les retours sur cette journée :
- Chartres, Votre Ville, Rencontre des acteurs régionaux à Chartres, page 30, n°230, mai 2023.
- ANCT, Newsletter Action coeur de ville, Visite du cœur de ville de Chartres sur la réhabilitation de l’habitat privé, Newsletter #58, 6 avril 2023.