La ville de Saint-Jean-de-Braye a accueilli la journée Economie sociale et solidaire (ESS) et Politique de la ville co-organisée par Villes au Carré et la CRESS Centre-Val de Loire le 28 Septembre 2018. Une belle occasion pour Villes au Carré et la CRESS CVL de travailler ensemble en croisant leurs champs d’action.
Cette journée s’inscrit dans le cadre de la mission du contrat de plan Etat Région (en partenariat avec l’Etat, la région Centre-Val de Loire et la Caisse des dépôts) confiée à Villes au Carré pour renforcer le développement économique dans les contrats de villes. La première journée de ce cycle : « Entreprendre dans et pour les quartiers en région Centre-Val de Loire » a eu lieu le 28 Juin 2017 à Orléans et a fait l’objet d’une synthèse (à consulter ICI).
En ouverture de cette deuxième journée, Christophe Lavialle, adjoint au maire délégué aux finances à l’emploi et au développement économique à Saint-Jean-de-Braye expose sa conviction :
« le développement économique des quartiers prioritaires doit se mêler au développement économique global »
Cette volonté se traduit notamment par la recherche d’une mixité sociale et fonctionnelle représentée sur le quartier du Pont Bordeau par le projet du Pôle ESS. Sa seconde conviction est que tout développement économique doit être solidaire et pour cela susciter une coopération des acteurs. A Saint-Jean-de-Braye, toute la stratégie de développement économique de proximité est assurée par la ville en dialogue avec celle de la métropole orléanaise. Cette position facilitatrice s’incarne dans l’Arche Abraysienne, service municipal de l’emploi, du développement économique et de l’ESS. Les missions de l’arche Abraysienne sont liées à la politique de la ville notamment par le contrat de ville. C’est dans ce terreau historique favorable qu’a germé l’idée de ce projet innovant.
Retrouvez ICI la fiche d’expérience sur cette démarche de développement économique inclusif.
Christian Baudot, directeur régional par intérim à la Caisse des dépôts et Jérémie Bouquet, secrétaire général adjoint aux affaires régionales ont posé le cadre de la journée. La Caisse des Dépôts, banque des territoires travaille en faveur de leur développement et contribue à la redynamisation des quatiers de la politique de la ville. En 2019, c’est la Banque publique d’investissement (BPI) qui aura la compétence de l’accompagnement à la création d’entreprises et des dispositifs en faveur des quartiers prioritaires (CitésLab, Fabrique à entreprendre…). Pour Jérémie Bouquet, la Politique de la ville et l’ESS peuvent toutes deux s’appuyer sur l’innovation sociale, levier pour la participation des habitant·es et leur pouvoir d’agir de sorte à développer leurs capacités en vue de développer de l’activité.
Table ronde : la création de valeur
Une première table ronde était consacrée à la création de valeur immatérielle des associations de l’ESS. Dans le cadre d’un partenariat entre Villes au Carré et RésOVilles (CRPV pour les régions Bretagne et Pays de la Loire), Frédéric Frénard est venu témoigner de l’implication des centres de ressources pour la thématique de l’ESS ce qui les amènent à collaborer à l’échelle nationale notamment avec le RTES et entre eux au sein du Club dév éco des CRPV. Ancrés sur le territoire régional, les CRPV interviennent localement pour favoriser l’ESS dans les quartiers prioritaires.
Des initiatives inspirantes
De nombreuses expériences sont initiées depuis longtemps dans les quartiers prioritaires mais peinent encore à se généraliser sur le territoire, faute de pérennisation. L’accompagnement de ces expérimentations doit s’adapter aux QPV, des connexions restent à faire avec l’écosystème (collectivités, opérateurs, ESS). Initiative emblématique en Bretagne : la coopérative de quartier à Rennes « Le bon Maurepas » part du constat d’un déficit du service de restauration, le projet a adapté le modèle existant des coopératives jeunesses de services (CJS) pour imaginer une expérimentation de restauration-traiteur dans le quartier prioritaire du Maurepas pour 6 mois. Coordonnée par les acteurs locaux de l’ESS, la visée est d’entamer une démarche d’insertion sociale et de création d’entreprise par les habitant·es du QPV. Le projet a également permis de créer du lien social, grâce notamment à un tarif adapté aux habitants, puisque 40% des clients étaient des habitants du quartier, 60% des salariés travaillant sur place. Cette expérimentation innovante doit développer un modèle économique pour pérenniser l’activité.
Guillaume Bec, coordinateur territorial a présenté à son tour l’activité des Compagnons Bâtisseurs en Centre-Val de Loire qui s’appuie sur 3 projets :
- Ateliers d’autoréhabilitation accompagnée (ARA) : permettre aux locataires de se réapproprier leur logement et de susciter indirectement leur retour à l’emploi. Le CGET y a consacré un « En Bref » consultable ICI en prenant le cas de la démarche pour 5 sites concernés par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
- Accompagnement de la jeunesse : initier les jeunes des quartiers prioritaires et en réinsertion aux métiers du bâtiment et leur transmettre un savoir-être nécessaire pour la recherche d’un emploi.
- Plateforme Solibât : cette plateforme collecte le surplus de matériaux de construction des entreprises, destinés à la déchèterie en échange d’une défiscalisation. Ces matériaux sont ensuite rétrocédés aux bénéficiaires. Cette action s’inscrit dans l’économie circulaire.
Une action « made in Centre-Val de Loire » des Compagnons Bâtisseurs pour l’autoréhabilitation accompagnée est l’invention du Bricobus. Partant du constat que les problèmes de détérioration de l’habitat ne touchent pas uniquement la zone urbaine mais également la zone rurale, pour répondre à ces besoins insatisfaits, ils ont expérimenté le Bricobus, mobile sur tout le territoire. Aujourd’hui, cette expérimentation qui permet de déceler les situation les plus complexes a fait ses preuves en région Centre-Val de Loire qui compte 4 Bricobus et entame sa phase d’essaimage sur l’ensemble du territoire national pour lequel 10 Bricobus sont prévus.
L’impact social est très fort pour les habitant·es bénéficiaires; le chantier apparait en définitive comme un prétexte. En partenariat avec les travailleurs sociaux, les Compagnons Bâtisseurs établissent un lien de confiance et entrant chez les personnes les plus défavorisés.
Comment calculer la plus-value immatérielle de l’activité sociale et solidaire ?
Arnaud Bergero, manager chez Goodwill Management a réagi aux témoignages précédents en démontrant comment mesurer autrement la création de richesse produite que par un point de vue purement comptable. Ce capital immatériel est très intéressant pour l’ESS car il permet d’évaluer la création de valeur de l’activité sur un temps long. Pour saisir cette plus-value immatérielle, il faut changer de récit et se demander quelles sont les externalités positives de l’action et ce qu’elle rapporte à l’ensemble des parties prenantes. Dans le domaine de la médiation sociale, Goodwill Management travaille avec Promevil, professionnels de la médiation. Le point d’entrée de Promevil est la SNCF qui fait de la médiation dans les trains pour réduire les incivilités. L’étude a montré que pour 1€ de coût d’investissement dans Promevil, l’impact social est de 13€. Grâce au travail des médiateurs au quotidien, le nombre d’occurence des signaux d’alarme déclenchés a baissé ce qui créé de la valeur pour 2 personnes : la SNCF qui n’aura pas à payer de pénalités de retard et les usagers qui vont arriver à l’heure et gagner du temps.
Table ronde : les coopérations, atouts croisés de l’ESS et de la politique de la ville
Cette deuxième table ronde présentait le projet du Pôle ESS en partant de l’émergence de l’idée jusqu’à la mobilisation de l’ensemble des parties-prenantes: Brigitte Jallet, maire adjointe et Georges Pereira, conseiller municipal délégué au développement durable, au commerce et à l’économie solidaire à l’initiative du projet ont raconté l’histoire du quartier devenu un quartier prioritaire de la politique de la ville lors du nouveau contrat de ville. Richard Laroucau, responsable patrimoine chez 3F Centre-Val de Loire a expliqué les modalités de rénovation du rez-de-chaussé de l’immeuble inutilisé depuis une quinzaine d’années (mais jamais vandalisé). Les « gros travaux » ont été réalisés à la charge du bailleur qui loue les locaux à la ville de Saint-Jean-de-Braye. L’espace est mis à disposition gracieusement pour les associations qui n’ont à payer que les charges. Tous les 3 sont convaincu des externalités positives du projet pour le quartier.
Rémy Poignant, responsable du service vie économique et emploi, développement durable de la ville a décrit le contexte du projet et l’organisation de sa gouvernance. 7 associations ont répondu à l’appel à projet lancé par la ville en 2016 qui a alors fait le choix de ne rejeter aucune candidature bien que le Pôle ESS ne compte que 4 locaux. Les associations ont alors dû formuler une réponse collective pour une gouvernance et une organisation partagée. Les locaux sont donc organisés en 2 espaces thématiques: d’une part les espaces de commercialisation, d’atelier et de vie plutôt occupés par Les Amis de la Coopérette, la Ressource AAA, 1-Terre-Actions et le Repair Café et d’autre part, l’espace dédié à l’entrepreneuriat avec un incubateur ESS et un living lab.
Également présentes à la table ronde, les associations qui vont occuper les lieux ont partagé tour à tour leur impatience à cohabiter, s’approprier l’espace mutualisé et co-construire de nouveaux projets en plus de leurs activités actuelles. L’apprentissage de la coopération a été progressive et a demandé du temps et un changement d’appréhension pour structurer le Pôle de sorte à ce que tous y trouvent sa place. La position bienveillante et la confiance soutenue de la ville a permis aux associations de s’organiser librement entres elles.
Julien Garnault, en charge du contrat de ville de la métropole d’Orléans a rappelé que la politique de la ville n’est pas uniquement là pour financer des projets mais les accompagner et les coordonner sur le territoire. De la même manière que le Pôle ESS coordonne des associations, la métropole coordonne et thématise les actions pour avoir une vue d’ensemble. Le Pôle ESS de Saint-Jean-de-Braye est un lieu de structuration de l’économie sociale et solidaire dont l’action va rayonner dans le quartier du Pont Bordeau mais également à l’échelle de la métropole d’Orléans.
Deux semaines avant l’inauguration officielle du Pôle ESS (le 18 Octobre 2018), les échanges se sont poursuivis sur site au coeur du quartier prioritaire du Pont Bordeau. L’occasion de visiter les 4 cellules en rez-de-chaussée inoccupées depuis plus de 15 ans. Ces 4 espaces ont la particularité de ne pas communiquer entre eux, le choix a été fait de ne pas attribuer 1 espace par association mais de définir 4 espaces thématiques complémentaires co-gérés dans une logique de mutualisation et de partage des ressources.
Pour Anna Reux, co-présidente de l’association Les Amis de la Coopérette, le moment des derniers aménagements du Pôle par l’ensemble des bénévoles est très important; c’est un moment de convivialité où chacun apprend à se connaitre avant de partager les lieux.
Les résultats de l’étude quantitative sur les entreprises (employeuses) de l’ESS dans et à proximité des quartiers politique de la ville ont été présentés avec le contexte national puis les chiffres en région Centre-Val de Loire. Il est interessant de remarquer qu’il n’existe pas de corrélation entre la place de l’ESS en QPV et la place de l’ESS en région. L’ESS est très présente là où il y a de fortes inégalités de revenus. Les chiffres sont également disponibles à l’échelle de chaque EPCI (sur demande à la CRESS CVL). Pour en savoir plus, consultez l’étude sur le site du CGET.
• Politique de la ville & ESS était également le sujet du séminaire du RTES le 18 Septembre 2018. Retour par le RTES sur les différentes séquences ICI.
• Une synthèse de la journée est à paraître prochainement.
• Retrouvez ICI le programme de la journée.