Publié le 10 décembre 2021

Une visite enchant[i]ée, un jour de juillet, au Sanitas…

Épisode 1 de notre série « Les maisons enchant[i]ées » de la région Centre Val-de-Loire 

Le jeudi 8 juillet 2021, nous, Porte-Voix bâtisseurs de Maisons citoyennes en devenir, sommes allés voir comment ça se passe, du côté du Sanitas. Dans ce quartier populaire emblématique de Tours, où le projet de « Maison citoyenne » bouillonne tant qu’il s’est donné le nom (provisoire) d’ « Effervescences citoyennes* », nous avons pris le pouls d’un projet qui marque par son foisonnement et ses entrées multiples. On vous raconte !  

 

Prologue. Pour la toute 1ère fois ! 

Si cette visite de chantier de « Maison citoyenne » a quelque chose d’unique, c’est d’abord parce qu’elle fut la Première ! En ce sens, elle a permis aux Porte-Voix de franchir le Rubicon de leur écran d’ordinateur, imposé par des mois de crise sanitaire, pour se voir enfin « en vrai ». Ainsi, cette journée fut d’abord celle de la joie simple (et retrouvée) de la co-présence, de la découverte de l’autre en chair et en os, sans caméra interposée, après la longue litanie des rencontres virtuelles. Une unité de temps et de lieu, que chacun·e a pu savourer, comme un 1er repas après un long jeun. Et d’ailleurs, on a bien mangé !

 

Précaution préalable : enfiler sa panoplie de passe-muraille

Ida Tesla et Julien Kerhuel, nos hôtes du jour, nous avait prévenus. Au Sanitas, la Maison citoyenne pousse les murs. Mieux que ça, elle s’éparpille en mode constellation dans tout le quartier, par le prisme de structures multiples, associatives ou non, d’initiatives, de dispositifs, de projets… qui s’entrecroisent, interagissent et se complètent. Notre visite s’annonçait donc éclectique et, surtout, itinérante. Autrement dit, mieux valait être bien chaussés, car nous allions déambuler !

 

10h – Descente au jardin du Planitas 

Qui aurait pu croire qu’ici, entre béton et bitume, c’est dans un jardin que commencerait notre journée ! Pour le traditionnel café inaugural, nous sommes accueillis par Aurélie dans les allées d’un jardin hors sol composé de gigantesques bacs de carrés potagers réalisés par les habitants avec des planches de bois brut. Ce jardin ne s’est pas fait en un jour : il a d’abord grandi dans l’imagination de femmes du quartier, avant de prendre forme petit à petit, grâce au coup de main, de tournevis et de binette, des habitants volontaires. L’objectif ? Fédérer grands et petits autour du plaisir de jardiner, de retourner la terre, d’y semer des graines, de faire pousser légumes et fruits, avant de cueillir enfin la récompense de son long et patient travail. En écoutant Aurélie, nous savons que nous sommes exactement là où se cultive la citoyenneté. Son engagement citoyen se passe de mots : il passe par les actes, par le prisme d’un projet concret, de pleine terre, qui implique de fait l’échange et la solidarité.

 

11h – Cap sur le 13 !

Autre lieu, autre projet, nous rejoignons ensuite Sophie, médiatrice et photographe à l’Espace Passerelles, sur la place Neuve, tout à côté des bureaux de Villes au Carré. Nous découvrons ici un autre espace de possibles citoyens, un lieu avec des murs cette fois, mais très ouvert sur le quartier et ses habitants. Co-animé par l’association CoopAxis et la coopérative Artefacts, l’Espace Passerelles porte bien son nom en ce qu’il bâtit des ponts entre les habitants du quartier (portes ouvertes, projets communs…), mais aussi entre les salariés et volontaires en service civique de CoopAxis et les coopérateur·rice·s d’Artefacts, leur permettant de se rencontrer, de travailler et d’agir ensemble, par l’intermédiaire d’ateliers à choix multiples. On y butine entre bricolages numériques, site collaboratif, ateliers d’animation scientifique, de design de mobilier, de photographie ou de dessin méditatif… l’essentiel étant de faire ensemble et de s’ouvrir à des pratiques et des techniques nouvelles, avec l’inclusion numérique comme colonne vertébrale.

 

12h – Balade apéritive avec la carte sensible d’Aurélie Brunet

Avant le déjeuner, Ida et Julien souhaitent nous faire découvrir une expérimentation qui débute dans le quartier, avec la designer, Aurélie Brunet, de Wake up studio. Cette résidence estivale, financée notamment par la Ville de Tours, déploie un programme d’ateliers d’exploration pour permettre aux habitants de questionner leur rapport à l’espace public et de porter un nouveau regard sur leur environnement. L’occasion, pour nous, de percevoir toute la fragilité du travail de mobilisation des publics, dont l’efficacité n’est pas toujours proportionnelle à l’investissement financier. L’occasion aussi, pour les Porte-Voix, de mesurer la nécessité de rester en éveil vis-à-vis de l’impact et de l’enracinement réel des projets d’activation citoyenne qu’ils peuvent mener çà et là. Une leçon d’humilité, qui rappelle l’importance de la persévérance et de la constance. Sur le métier sans cesse, remettre son ouvrage !  

 

12h30 – À table oui… mais à table ouverte !

S’attabler évidemment, mais pas n’importe où, pas n’importe comment, ni avec n’importe qui ! Les repas ayant, on le sait, le pouvoir de délier les langues autant que de stimuler les papilles, Ida et Julien avaient choisi de nous mettre à table en bonne compagnie, au centre social Pluriel(le)s, véritable maison commune du quartier tout entier. Pluriel(le)s, c’est le QG du Sanitas, son emblème. Au menu ce jeudi-là, accras et colombo, spécialement préparés et livrés par Map’Cooking, une cantine itinérante ultra-locale qui régale les habitants depuis quelques mois, à coup de recettes venues de très loin, mais cuisinées tout près, et livrées prêtes à être dégustées. Il n’en fallait pas moins que ce « Deliveroo ultra-local et vertueux » pour finir de convaincre Julien, Yasmine, Loïc, Mathilde, Béatrice, Fatoumata, Mighty, David… de s’attabler avec nous pour échanger en vérité sur l’activation citoyenne dans le quartier, et partager leurs vécu, expériences, impressions et réflexions, le temps de la pause-déjeuner pour certains, plus longtemps dans l’après-midi pour d’autres.

 

Un après-midi pour faire circuler encore le bâton de parole

Autour d’Ida, de l’association Pih-Poh, et de Julien, directeur du Centre social, les échanges sont allés bon train jusqu’au milieu de l’après-midi pour questionner l’activation citoyenne et le pouvoir d’agir dans ce quartier populaire du Sanitas. S’il ne fallait retenir qu’une leçon de nos échanges, c’est la complémentarité indispensable des acteurs et des modalités d’action. Ce qui fait la force de la Maison citoyenne en devenir du Sanitas, son essence et son effervescence, c’est la multiplicité des acteurs qui s’en mêlent et la façon dont ils interagissent ensemble au bénéfice de tous les habitants. Structures institutionnelles bien identifiées et très implantées (comme le centre social Pluriel(le)s ou la régie de quartier Régie +), structures plus légères et agiles (comme l’association Pih-Poh) ou associations humanitaires à rayonnement national et représentées sur le quartier (comme ATD Quart-Monde) fonctionnent ensemble dans une interdépendance et une interaction permanentes qui permet d’élargir sans cesse le cercle des personnes sensibilisées, et de faire progresser pour de bon l’empowerment des habitants. Car cet aréopage d’acteurs, selon leurs missions, leur vocation, leur notoriété, l’image qu’ils dégagent, ne touchent pas les mêmes personnes, même s’ils partagent souvent la même ambition : cultiver le « mieux vivre ensemble » et remettre l’engagement citoyen au centre du quartier. Ainsi, les petites structures satellites peuvent s’immiscer là où le centre social ne va pas, ou plus, parce qu’il a trop à faire entre ses propres murs. De la même façon, d’autres acteurs de terrain, bien identifiés, complètent et consolident le processus. C’est le cas des médiateur·rices salarié·e· de Régie +, tels que Keltoum, qui sont très visibles dans l’espace public et vont directement à la rencontre des habitants, dans les squares et sur les trottoirs. Chaque jour, cette opératrice de proximité tisse du lien avec les habitants. Une approche inspirante, tout comme le travail d’Animaction que nous avons observé, notamment à Grande Plaine, avec des activités à ciel ouvert et en libre accès, pour capter les publics (enfants, adultes, seniors) à même la rue, sans le passage obligé d’une inscription préalable, sans qu’il y ait une seule porte à pousser… De l’activation citoyenne de « survie » et d’hyper-proximité !

 

Épilogue… Contextes divergents, mais luttes convergentes

On ne saurait clore ce récit d’une visite enchant[i]ée au Sanitas, sans nous attarder sur son principal bénéfice secondaire : la rapprochement qu’une telle journée permet, entre des expérimentations de Maisons citoyennes très différentes, par leur contexte, par leurs priorités, par leur degré de maturité… Ainsi, quand Maryvonne, gardienne de la Maison citoyenne « de village » de Saint-Gaultier, parcourt 130 km pour rejoindre le Sanitas, elle prend conscience qu’en dépit de contextes sans lien apparent (monde urbain / monde rural), des problématiques similaires se dessinent, des communs se font jour, comme le constat de la pauvreté et de l’exclusion (qui touche autant la ville que la campagne), comme l’impérieuse nécessité de retrouver du sens, comme la quête de visibilité qui permet de conforter sa légitimité et de se rendre indispensable pour les pouvoirs publics en place.

Mais plus encore, quand Maryvonne témoigne devant ses pairs Porte-Voix des difficultés et des freins qu’elle rencontre pour « bâtir sa maison », elle retourne le soir au village, la besace pleine d’enseignements, nourrie des retours d’expérience des acteurs du quartier, et, cerise sur le gâteau, avec la promesse très concrète d’un coup de main de la part du Sanitas. Car au cours de cette journée de tous les possibles, le centre social Pluriel(le)s a proposé de s’exporter à Saint-Gaultier pour apporter sa contribution à l’organisation d’une grande fête au village. 

Alors, en attendant que Saint-Gaultier accueille le Sanitas « à la campagne », on retiendra qu’au-delà des paroles échangées, cette journée fut révélatrice de l’entraide possible entre ces Maisons citoyennes en devenir. Au-delà de la coexistence, au-delà de la rencontre, elles aspirent à coopérer, dans le concret de l’activation citoyenne. De  quoi se sentir plus fort, et transformer son pouvoir d’agir en super-pouvoir d’agir !

 

* Les effervescences citoyennes, ça se vit, ça se visite, ça se voit, ça se dessine ! En témoigne la mise en image exceptionnelle de cette exploration de Maison citoyenne, réalisée par Ida, avec le concours d’une maïeuticienne hors du commun : Léa Knaurek, stagiaire chargée de mission dynamiques citoyennes et innovation territoriale – démocratie permanente, à Villes au Carré. Une illustration si évocatrice, qu’elle s’est faite banderole pour sensibiliser les habitants du quartier à l’exploration de Maison citoyenne en cours. La voici…

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