Publié le 25 mars 2022

Une visite enchant[i]ée, un jour d’octobre, dans le Gâtinais-Montargois…

Épisode 2 de notre série « Les maisons enchant[i]ées » de la région Centre Val-de-Loire

Ce mardi 19 octobre 2021, il était là, comme un invité prodigue, comme une fée penchée sur le berceau de la future Maison citoyenne du Gâtinais Montargois : le soleil ! Cette journée exploratoire, au cœur des possibles de ce territoire à entrées multiples, nous l’avons vécue dans une lumière dorée d’automne, des plus inspirantes. Prenez votre ombrelle, on vous raconte notre déambulation du port du Grignon, au bord du canal d’Orléans, à la Maison Feuillette, à Montargis.

Commençons par vous présenter nos hôtes : les Porte-Voix impliqués dans le projet ! Sur le perron de la Maison citoyenne donc, ce matin-là, nous attendent Michel Brosset, Jean-Christophe Cicéron, Hubert Gasnier, Mickey Leclercq, Mélina Migeon et Magali Sautreuil : un comité d’accueil grand format, à l’échelle du rayonnement de cette future maison, qui ambitionne d’irriguer, à terme, tout le Gâtinais-Montargois. Sur le tapis rouge des visiteurs qui s’avancent, on peut reconnaître Daniel Herskovits, le facilitateur embarqué dans l’exploration des Porte-Voix dans sa phase de prototypage, mais aussi Hélène Delpeyroux, de Villes au Carré, ou encore deux « exfiltrés » de la Mairie de Tours : Antoine Cavalier (chargé de mission démocratie participative) et Pauline Occelli (chargé de mission en urbanisme), venus puiser matière à penser à la campagne. Pour compléter ce générique, citons les preneurs d’images de la web TV Map36 (Dominique Fleurat et Mohini). Et pour finir, n’oublions pas les essentiels, ceux que les Porte-Voix avaient choisi de mettre en lumière pour leurs initiatives inspirantes et éclairantes d’une Maison citoyenne en devenir. Parmi ces « lanternes », Denis Godeau (de La Belle de Grignon), Timothée Huck (des Jardins de la Voie Romaine), Daniel Leroy (Maire de Vieilles-Maisons-sur-Joudry), William Simon (Gâtinais en Transition), Claude-Eve Spach (Maraîchère bio à la retraite à Presnoy) et Stéphanie Ventre (CNCP – Maison Feuillette).

D’abord, ça cause…

C’est à Vieilles-Maisons-sur-Joudry, à 5km à l’est de Lorris (là où la Maison citoyenne du Gâtinais prend sa source) que nous avons rendez-vous ce matin du 19 octobre 2021, sur le port de Grignon, au bord du Canal d’Orléans. Après une mise en contexte salutaire et tonifiante du Porte-Voix Hubert Gasnier, Denis Godeau nous raconte l’aventure de la Belle de Grignon. Ce chantier naval participatif ambitionne de faire revivre l’ancienne cité batelière du canal d’Orléans, par la reconstruction d’une péniche traditionnelle en chêne, dite « flûte berrichonne ». Passionnant dans son objet, ce projet l’est plus encore par l’emboîtement associatif qu’il mobilise. Ainsi, Les mariniers de Grignon, dont fait partie Denis Godeau, ne sont qu’un maillon d’une grande chaîne associative qui regroupe 10 associations de mariniers de Loire et du Canal d’Orléans, dont l’objectif commun est de faire redécouvrir la magie des lieux, son histoire et son environnement. Un écosystème associatif dont la structure multipolaire pourraient inspirer la future Maison citoyenne…

Même configuration « constellaire » pour le projet des Jardins de la Voie Romaine, que viennent ensuite nous présenter Daniel Leroy et Timothée Huck. En effet, à la mode des « poupées russes », Les Jardins de la Voie Romaine s’imbriquent dans le réseau national des Jardins de Cocagne, qui fédère une centaine de jardins d’insertion, dans toute la France. Essentiellement dévolus au maraîchage biologique, ces « jardins » emploient au sein de leurs « ateliers » des personnes fragiles, sans activité professionnelle ou exclues. Et l’activité ne se limite pas qu’au maraîchage. Elle peut prendre des formes diverses tant qu’elle sert certains fondamentaux partagés (tels que le circuit court, le choix d’une économie de la coopération, la volonté de former des consomm’acteurs responsables…). Finalement, ces jardins s’apparentent plus à des tiers-lieux agricoles à vocation sociale, « qui permettent d’écrire collectivement un nouveau langage de partage des communs » (des mots qui font l’effet d’une caresse aux oreilles des explorateurs de Maisons citoyennes…  ).

Ainsi, dans le nord du Loiret, les Jardins de la Voie Romaine forment une belle grappe de 5 « tiers-lieux agricoles à vocation sociale » :

  • Le jardin maraîcher du Beaumois (à cheval sur les communes de Beaune-La-Rolande, Auxy et Juranville), qui emploie, sur 5ha, des jardiniers en contrat d’insertion de 6 mois, pour produire, hiver comme été, environ 80 tonnes de légumes biologiques par an.
  • La voie des abeilles : une déclinaison « apicultrice » des Jardins de la Voie Romaine, qui regroupe désormais près de 200 ruches le long de l’autoroute A29.
  • La roseraie de Morailles (Pithiviers-le-Vieil), créée par le rosiériste André Eve dans les années 1990, et désormais entretenue par des salariés en insertion. Cette roseraie revendique aussi, par extension, un café/salon de thé et une boutique de légumes bios, produits sur place également.
  • Le domaine de Flotin – Maison de la biodiversité (Nibelle), un projet tout juste sorti de l’œuf, sur un site de 60ha de terre, de bois et d’étang, avec un jardin d’insertion de production de semences potagères, et un jardin de simples et d’aromatiques. Labellisé « Fabrique de territoire » par l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires), le domaine de Flotin projette en parallèle un travail de transmission et d’éducation autour de la biodiversité.
  • Et enfin, Le relais des 3 écluses (Vieilles-Maisons-sur-Joudry) qui ambitionne de faire renaître l’ancienne Auberge des 3 écluses, sur les bords du canal, en un « lieu de vie nourricier, à vocation sociale ». Nous sommes déjà tentés de le considérer comme un proche cousin de la future Maison citoyenne du Gâtinais. Pour apporter de l’eau à notre moulin, et parce qu’une bonne visite vaut toujours mieux que de belles paroles, Timothée nous propose de rejoindre le chantier…

Puis ça explore…

Nous voici donc en chemin vers le relais des 3 écluses, guidés par Timothée, pour mieux nous projeter dans ce futur espace multidimensionnel. Et de fait, alors que les travaux d’aménagement intérieur de l’auberge s’apprêtent à commencer, on se voit déjà en train de s’attabler au café associatif, pour se désaltérer (avec modération mais avec délectation) d’une bière fraîche produite sur place, dans la micro-brasserie attenante, avant de faire notre marché à la boutique des producteurs locaux… Pour prolonger notre rêve, Timothée nous explique qu’ici même, dans ce périmètre super-inclusif, toute personne pourra trouver, avec certitude et sans condition, « un lieu bienveillant pour la reprise de confiance, la reconstruction et le rebond vers un nouvel emploi ». Il précise encore une idée fondamentale : « Grâce aux activités du lieu, des liens sociaux renforcés, des socles de solidarité créés et de l’accompagnement des personnes autour des thématiques de l’alimentation durable, notre visée est que l’économie locale nouvellement développée s’adapte aux exclus du travail. » Encore du bon grain à moudre pour tous ceux qui veulent cultiver leur part citoyenne !

Puis ça grignote et ça cabote…

Mis en appétit par ces nourritures « humanistes et solidaires », nous revenons vers le bord du canal pour nous attabler tous ensemble et partager les « nourritures terrestres » que nous avons préparées pour l’occasion. Là, en toute convivialité, entre la poire et le fromage, on apprend à se connaître, on s’interpelle, on échange nos points de vue et nos ressentis. Puis, à l’heure de la sieste, Denis Godeau nous « em-barque » (au sens littéral du terme) pour une balade digestive sur le canal, avec le soleil pour témoin ! Les sourires sont sur toutes les lèvres, et chacun savoure ce temps suspendu, avant de prendre la route de Montargis, à une trentaine de kilomètres au nord-est. Direction : La maison Feuillette !  


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Puis on se retrouve « sur la paille »…

L’étape suivante de notre épopée en Maison citoyenne du Gâtinais, nous entraîne dans les pas de Mickey Leclercq et de Stéphanie Ventre, pour visiter la Maison Feuillette, Centre national de la construction paille (CNCP). Avec ces guides de haute volée (Mickey est président du CNCP – et explorateur de Maison citoyenne à ses heures ; tandis que Stéphanie en assume la responsabilité administrative et financière), nous découvrons émerveillés cette demeure témoin de la durabilité de la construction en paille. Édifiée par l’ingénieur Émile Feuillette en 1920, la bâtisse couverte de vigne vierge est le plus ancien bâtiment construit en ossature bois et isolé avec de la paille, connu à ce jour. Restaurée en 2013-2015 par l’entremise du réseau Français de la Construction Paille (RFCP), elle voisine avec un hangar en bois désaffecté, qui attend de renaître en un plateau technique de 200m2. Mickey nous explique que bientôt, ici, on transmettra l’art de construire en paille avec une école dédiée. Un bâtiment, également en paille (ossature bois ou paille porteuse), est en projet pour héberger les salles de cours, tandis que la maison principale hébergera à terme un centre de ressources pour le grand public. Sans doute encore, pour les explorateurs des Maisons citoyennes que nous sommes, des liens futurs à imaginer et à tisser avec cette « solide maison », de bois et de paille. Dans son projet, dans son ambition vertueuse et durable, elle a de quoi nous faire rêver.


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Puis ça cause encore…

Revigorés par toutes ces découvertes, nous installons un cercle de chaises dans la cour de la propriété pour nous adonner à l’une de nos activités favorites : le tour de parole, pour que chacun·e puisse formuler son ressenti, et clore en beauté cette journée foisonnante (comme un fétu de paille). Au milieu de l’enthousiasme général, du caractère stimulant et prometteur de toutes ces initiatives concrètes en matière de transition écologique et sociale, de la passion, du dévouement et de la puissance de l’engagement bénévole, des interrogations se font jour : 

  • Comment intégrer la future Maison citoyenne dans le paysage déjà luxuriant des acteurs sociaux du territoire ? 
  • Quelle place lui donner, quels liens tisser entre eux, mais aussi entre le rural et l’urbain, encore trop souvent considérés comme deux mondes imperméables ? Mickey se réjouit de l’étendue et de la diversité des possibles, tout en concédant que cette multiplicité lui fait un peu peur. 
  • Comment tenir dans la durée ? Faut-il envisager de se structurer en association ? Y-a-t-il d’autres formes de gouvernance à inventer, en copilotage par exemple ?
  • Faut-il un lieu ? Un centre ressources, une base ? Et comment rester mobile sur le territoire ?

 

Autant de questions à mûrir et à creuser pour affiner le projet de Maison citoyenne et lui donner corps, petit à petit. Pour l’heure, il est temps de se dire au-revoir et de rentrer avant la nuit. Une chose est sûre, au terme de ce qu’il convient de considérer comme une « super journée » (selon l’expression de Hubert), Jean-Christophe, lui, ressort conforté dans la conviction qu’une Maison citoyenne a toute sa place ici, et qu’elle trouverait sa légitimité au centre d’un triangle reliant transition écologique, solidarité et démocratie.

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